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L'Assemblée Nationale adopte la proposition de loi sur l'expérimentation des MDN en France

Publié le 28 novembre 2013

Expérimentation des maisons de naissance

Discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, autorisant l’expérimentation des maisons de naissance (nos 1560, 1157).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, la naissance concerne chacune et chacun d’entre nous ; elle touche évidemment à ce qu’il y a de plus intime pour des centaines de milliers de femmes et d’hommes chaque année. Il n’y a sans doute pas de moment plus important que celui-ci dans la vie, d’abord, parce qu’une naissance vient le plus souvent consacrer un engagement, quelle que soit la forme qu’il peut revêtir, mais aussi parce qu’elle représente une responsabilité nouvelle.

Au-delà de son aspect intime, la naissance est un enjeu collectif, un enjeu de société. La natalité, parce qu’elle détermine l’équilibre démographique de notre pays et parce qu’elle est un facteur de dynamisme important, mérite une attention particulière. Notre pays connaît l’un des plus forts taux de natalité parmi les pays développés. C’est un atout considérable dans une Europe qui vieillit.

En outre, le débat qui, je l’espère, va nous rassembler, se tient à un moment particulier, celui de la mobilisation des sages-femmes. Premières interlocutrices des femmes pendant la grossesse et l’accouchement, même si leur rôle ne se limite pas à cela, les sages-femmes expriment d’importantes revendications que j’ai eu l’occasion de relayer ici même il y a quelques jours et dont je veux répéter que je les ai entendues. Les sages-femmes veulent être mieux reconnues. Ce sujet renvoie notamment – mais pas seulement – à la question de leur statut à l’hôpital. Elles souhaitent également trouver toute leur place dans la stratégie nationale de santé comme professionnelles médicales de premier recours.

Pour répondre à l’ensemble de ces attentes, j’ai présidé le 19 novembre dernier avec Geneviève Fioraso une table ronde réunissant les représentants des sages-femmes dans leur diversité, ainsi que d’autres acteurs du monde de la santé. Pour la première fois dans notre pays, des travaux sont lancés en vue de reconnaître la place et le rôle des sages-femmes dans notre système de soins. Je souhaite qu’ils avancent vite. Les premières recommandations nous seront d’ailleurs remises avant la fin de l’année.

Pour toutes ces raisons, il est indispensable de proposer une approche globale de la naissance, ce qui passe par une politique ambitieuse en matière de périnatalité. Pour conduire un débat éclairé sur les maisons de naissance, il est nécessaire que nous partagions certains constats.

Le premier est celui de la transformation profonde de l’offre de soins obstétriques depuis une vingtaine d’années. Le mouvement s’est engagé dans les années quatre-vingts et s’est ensuite accéléré. Au cours de cette période, le nombre de maternités a considérablement diminué, puisqu’il est passé de plus de 800 au milieu des années quatre-vingt-dix à 550 en 2009.

Deuxième constat, pendant la même période, le nombre de maternités réalisant plus de 1 500 accouchements par an a presque triplé. Le dynamisme de notre démographie explique en partie ce phénomène. Les réorganisations hospitalières ont évidemment contribué à ce mouvement. Il faut souligner que la proportion de femmes prises en charge dans des maternités de haute technicité – niveaux 2 et 3 – a lui aussi fortement augmenté.

Le troisième constat, qui va à l’encontre des idées reçues, concerne la durée élevée des séjours après une naissance. En moyenne, elle est supérieure d’une journée à ce que l’on constate dans les autres pays membres de l’OCDE, même si elle a diminué au cours des dernières décennies.

Par ailleurs, malgré les progrès qui ont été réalisés, je veux souligner que les indicateurs de santé périnatale ne sont pas satisfaisants. La France fait moins bien dans ce domaine que les autres pays. La mortalité maternelle demeure particulièrement élevée, avec huit à douze décès pour 100 000 naissances. Cela signifie concrètement que, chaque année, soixante-dix femmes meurent en accouchant. La première cause de mortalité maternelle est liée à l’hémorragie de la délivrance. Des dysfonctionnements expliquent ce constat ; ils ne sont évidemment plus acceptables. Nous estimons que la moitié de ces décès pourraient être évités.

Le dernier constat concerne les inégalités territoriales et sociales en matière de santé. Aujourd’hui, en France, on ne naît pas dans les mêmes conditions de sécurité selon que l’on vit en centre-ville ou dans des quartiers sensibles, en zone rurale ou à la montagne. De nombreuses études sont venues confirmer que les femmes jeunes ou de classes sociales défavorisées souffrent d’un suivi insuffisant pendant leur grossesse. Les femmes sans emploi sont ainsi deux fois plus nombreuses à déclarer leur grossesse hors délai. Il est désormais établi qu’un niveau d’études élevé est synonyme de suivi régulier.

La France occupe aujourd’hui le dix-septième rang européen en termes de mortalité néonatale. Nous avons régressé depuis 2005. Cette défaillance de notre système de santé est inacceptable ; nous devons la combattre. Ce sera l’un des enjeux de la loi sur la stratégie nationale de santé qui sera présentée l’année prochaine.

Je ne doute pas que nous partagions ces constats et que nous ne puissions nous en satisfaire, quel que soit le banc sur lequel vous siégez. Certaines priorités doivent donc guider nos choix.

La première d’entre elles est celle de la sécurité des naissances. Encore une fois, il est inacceptable qu’une femme ou que son enfant décède pendant l’accouchement. En raison des faits que j’ai rappelés, nous ne pouvons pas transiger en la matière. Il est urgent que la France entre à nouveau dans une dynamique positive. Pour ce faire, un certain nombre de décisions devront être prises. Dans le débat qui nous occupe aujourd’hui, nous ne pouvons pas oublier cet impératif de sécurité.

Ma seconde priorité a trait à la qualité du moment de la naissance, ce qui concerne directement et précisément les maisons de naissance.

Le moment de la naissance doit préserver un équilibre subtil – et qu’il n’est pas toujours facile d’atteindre – entre l’impératif de sécurité et le bien-être de la future mère, entre le libre choix pour chaque femme de vivre la naissance selon ses convictions profondes et l’exigence d’une organisation médicale structurée.

Certains considèrent que nous sommes allés trop loin dans la technicisation et la médicalisation des accouchements. On ne peut assurément considérer le lieu de la naissance comme un simple espace de soins. La technique est évidemment indispensable, mais il nous faut respecter le choix des femmes qui ne désirent pas accoucher de cette manière. En même temps, je veux dire très clairement que les progrès liés à la technique et à l’accompagnement médicalisé de l’accouchement ont permis des conquêtes importantes pour les femmes. L’accouchement sans douleur, ou avec moins de douleur, la péridurale et l’encadrement médicalisé ne doivent pas être relégués au rayon des évidences, voire être considérés comme appartenant à une autre époque sous prétexte que certaines femmes souhaitent pouvoir accoucher avec un encadrement plus rassurant et confortable. Nous ne pouvons en aucun cas, et je veux le dire très fermement, opposer la volonté de faire en sorte que l’accouchement soit, autant que faire se peut, un moment de plénitude et non de souffrance, de difficulté et de résignation à celle qui consiste à mieux accompagner la naissance, d’une façon plus respectueuse des attentes des femmes.

De la même façon, et tout en sachant, monsieur le rapporteur, que tel n’est pas votre propos, nous ne pouvons pas confondre l’attente d’un nombre important de femmes d’un accouchement plus conforme à leurs désirs de bien-être avec l’injonction qui monte dans certaines associations d’accoucher comme on le faisait il y a des décennies. Nous ne saurions accepter que certains milieux, au nom d’une idéologie, cherchent à récupérer le mouvement des maisons de naissance.

La proposition de loi de Mme Muguette Dini, qui a été adoptée en première lecture au Sénat, tend précisément à permettre la mise en place de maisons de naissance à côté des maternités classiques. Quoi qu’il en soit, l’exigence à laquelle nous devons répondre aujourd’hui est celle de l’instauration de filières d’accouchement physiologique, y compris dans les maternités classiques. Pour répondre à la demande de femmes qui ne veulent pas accoucher dans un environnement systématiquement médicalisé, nous devons faire en sorte que, dans les maternités, se mettent en place, davantage que cela peut être le cas aujourd’hui, des filières d’accouchement physiologique dans les établissements existants.

Il ne s’agit pas d’opposer ces filières d’accouchement physiologique aux maisons de naissance, lesquelles sont une des formes que peut prendre la réponse aux demandes des femmes. C’est la raison pour laquelle – je l’ai dit au Sénat et je le répète ici – le Gouvernement ne marque aucune opposition à cette démarche, dès lors qu’un certain nombre de conditions sont posées, à commencer par la sécurité absolue des femmes au moment de l’accouchement. Je crois, monsieur le rapporteur, que vous partagez cette position. Nous ne pouvons pas transiger sur ce point.

À cet égard, cette proposition de loi comporte des dispositions tout à fait importantes. D’abord, seuls les accouchements présentant un faible niveau de risque pourront être réalisés dans les maisons de naissance. Ensuite, ces maisons devront être attenantes – le mot a son importance – à une maternité. Cette disposition est absolument indispensable dans le cas où surviendraient des complications. Par ailleurs, la Haute autorité de santé rédigera un cahier des charges sur les conditions de l’expérimentation. Enfin, je signerai moi-même l’arrêté qui désignera les lieux où les maisons de naissance seront expérimentées.

Mesdames, messieurs les députés, je n’ignore pas que des débats, qui ne datent d’ailleurs pas d’hier, ont traversé l’ensemble des groupes politiques sur cette question. À l’époque où j’étais parlementaire d’opposition, j’ai moi-même marqué mon soutien à la démarche des maisons de naissance dès lors qu’elle garantissait la sécurité et le respect des femmes et qu’elle ne visait pas à opérer une régression – j’y insiste – par rapport aux conquêtes des dernières décennies. En effet, il n’est écrit nulle part qu’il est mieux pour une femme d’accoucher dans la souffrance.

La présente proposition de loi peut permettre aux femmes de choisir les conditions de leur accouchement. C’est dans ce cadre que des expérimentations auront lieu, au terme desquelles nous pourrons tirer un certain nombre d’enseignements. Nous verrons alors si l’on peut les généraliser. Au nom du Gouvernement, je m’en remets donc aujourd’hui à la sagesse de l’Assemblée. Mais, au regard de ce que j’ai pu dire et de mes engagements antérieurs, vous aurez compris que mon regard est tout ce qu’il y a bienveillant à l’égard de cette proposition de loi. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Yannick Favennec, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, madame la ministre, mes chers collègues, je suis très honoré d’être aujourd’hui rapporteur de la proposition de loi relative à l’expérimentation des maisons de naissance, et ce pour plusieurs raisons.

La première tient au fait que, en travaillant sur ce texte, j’ai énormément appris sur la prise en charge de la grossesse, de l’accouchement et, plus globalement, sur la périnatalité dans notre pays.

C’est un sujet passionnant qui mérite d’être débattu par la représentation nationale, dans un pays comme le nôtre, où nous avons la chance, contrairement à nos voisins européens, d’avoir un taux de natalité élevé et une politique familiale active. Les conditions dans lesquelles les femmes et les couples sont amenés à vivre la naissance de leur enfant et à advenir en tant que parents, l’accompagnement dont ils bénéficient à ce moment-là, jouent, me semble-t-il, un rôle non négligeable dans cette expérience et dans le choix qu’ils peuvent faire ensuite de la vivre à nouveau.

La deuxième raison, c’est que nous participons aujourd’hui, si ce n’est à l’aboutissement, du moins au franchissement d’une étape capitale, d’un projet de longue date porté par plusieurs ministres de la santé successifs, par les sages-femmes, par des parents et des associations de parents, dont je salue l’engagement militant et désintéressé, mais également par des gynécologues obstétriciens. Je pense ici aux positions prises par le Pr Francis Puech que nous avons d’ailleurs auditionné en commission, et plus récemment par le conseil national des gynécologues obstétriciens.

Si nous adoptons le texte qui nous est soumis aujourd’hui, ce sera donc une avancée très positive pour tous ceux qui ont œuvré depuis plus de dix ans en faveur du projet des maisons de naissance.

Enfin, je suis d’autant plus honoré de vous présenter ce texte qu’il a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires sociales. Cela n’est sans doute pas une première, mais c’est une circonstance suffisamment rare pour qu’elle soit soulignée. Il nous est tous agréable, je pense, de trouver parfois des terrains d’entente sur des sujets qui dépassent les clivages politiques.

C’est pourquoi je veux remercier mes collègues sur tous les bancs, pour leur présence et leur intérêt lors des auditions que j’ai menées. Le travail entre tous les groupes parlementaires a été extrêmement constructif. Nous nous sommes interrogés ensemble sur les conditions de l’expérimentation, sur le niveau de sécurité exigé, sur les conséquences éventuelles pour les établissements de santé sur nos territoires, en particulier pour les petites maternités, et je crois que c’est en cheminant ainsi ensemble que nous avons abouti à un consensus.

Ce consensus porte au moins sur deux points qui me paraissent essentiels.

Le premier concerne la nécessité de répondre à la demande qui s’exprime : demande des couples et surtout des femmes d’accoucher dans des conditions moins médicalisées et moins standardisées qu’à l’hôpital, demande des sages-femmes aussi, qui sont des professionnelles de santé très bien formées et très compétentes de voir leur rôle valorisé grâce à une plus grande autonomie dans la gestion des accouchements physiologiques.

Le second porte sur la nécessité de prévoir un encadrement légal des initiatives qui ont déjà commencé à voir le jour. L’expérimentation proposée répond parfaitement à cet objectif en prévoyant un cadre juridique clair, assorti d’un renvoi à un cahier des charges élaboré par la Haute autorité de santé et d’une évaluation réalisée par l’État qui permettra de vérifier la validité des hypothèses sur lesquelles repose l’expérimentation avant d’envisager une éventuelle pérennisation.

Pour ceux qui n’auraient pas suivi nos débats en commission, je rappellerai brièvement qu’une maison de naissance est une structure gérée par des sages-femmes où celles-ci prennent en charge le suivi de la grossesse, l’accouchement et les suites de couches des femmes qui ont une grossesse et un accouchement physiologiques, c’est-à-dire normaux, ne présentant a priori aucun risque particulier. Les maisons de naissance ne sont pas des établissements de santé, elles n’offrent pas de possibilité de séjour et les sages-femmes qui y exercent ont en principe un statut libéral, même si l’on peut imaginer la création de maisons de naissance hospitalières ou de structures mixtes.

Les modalités de prise en charge en maison de naissance reposent sur le principe « une femme – une sage-femme » permettant de mettre en œuvre un accompagnement global à la naissance, fondé sur une relation de confiance et d’écoute mutuelles. Cette relation privilégiée avec une sage-femme référente permet aux futurs parents de réaliser un projet de naissance dans un cadre moins médicalisé et plus intime qu’à l’hôpital.

Il convient toutefois d’insister sur le fait que toutes les femmes ne peuvent pas être prises en charge en maison de naissance. Non seulement la grossesse et l’accouchement doivent être physiologiques, mais une sélection doit être opérée par les sages-femmes permettant d’exclure d’emblée les situations à risque, par exemple les cas de diabète, d’hypertension ou encore de grossesse gémellaire.

En outre, un partenariat étroit doit être instauré entre la maison de naissance et une maternité partenaire afin d’organiser, en cas de besoin, le transfert vers une prise en charge hospitalière, que ce soit pendant la grossesse ou pendant l’accouchement.

S’agissant précisément de l’accouchement, il convient de souligner qu’aujourd’hui, en l’absence de cadre légal, la naissance, c’est-à-dire l’expulsion du bébé, ne peut avoir lieu au sein de la maison de naissance pour des questions de responsabilité. La sage-femme et la future maman doivent ainsi se déplacer avant l’arrivée du bébé, dans une salle de naissance de la maternité partenaire.

L’objet de la présente proposition de loi est donc avant tout d’autoriser, dans un cadre expérimental, une prise en charge complète de la grossesse, de l’accouchement et des suites de couches en maison de naissance, de prévoir des conditions précises d’autorisation de ces structures et de réalisation des accouchements, et d’accompagner cette expérimentation par un financement dérogatoire.

L’encadrement prévu par le texte me paraît à même de lever les interrogations qui s’étaient fait jour lors du précédent débat au Parlement en 2010.

Ainsi, concernant la sécurité des soins, l’article 1er prévoit un principe de contiguïté et d’accès direct de la maison de naissance à la maternité afin de permettre un transfert rapide de la parturiente vers un plateau technique. Il rend également obligatoire la signature d’une convention entre les deux structures, qui se traduira par l’application de protocoles, notamment en cas de transfert prévoyant, par exemple, un numéro d’urgence dédié ou des modalités de partage des données médicales.

Enfin, l’article 3 fait reposer l’expérimentation sur un cahier des charges adopté par la Haute autorité de santé qui permettra de garantir que, sans être en milieu hospitalier et se voir appliquer stricto sensu les mêmes normes, les maisons de naissance répondent à des critères élevés de sécurité et d’hygiène.

En outre, tous les exemples étrangers, notamment au Québec, au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, où l’accouchement physiologique en maison de naissance représente déjà une part significative des naissances, démontrent que mettre au monde son enfant en maison de naissance ne présente pas de risque supplémentaire par rapport à une structure hospitalière, et ce alors même que dans tous ces pays les maisons de naissance sont indépendantes des établissements de santé et peuvent être distantes de plusieurs kilomètres.

Mais il ne s’agit pas là du modèle que nous avons souhaité retenir dans le cadre de l’expérimentation. En effet, la proposition de loi ne prévoit pas qu’une maison de naissance puisse s’implanter sur un territoire de manière isolée. C’est une question importante car la crainte s’était également exprimée en 2010 de voir se recréer des structures non médicalisées là où des petites maternités avaient préalablement été fermées, pour des raisons de sécurité, ou de voir les maisons de naissance concurrencer des maternités qui se situent juste à la limite des 300 accouchements par an. Cela sera strictement impossible. S’il n’y a pas de maternité, il ne pourra pas y avoir de maison de naissance.

Comme je l’ai dit, l’article 1er dispose en effet que la maison de naissance est contiguë à un établissement de santé autorisé en obstétrique et il prévoit en outre que les accouchements réalisés seront comptabilisés avec ceux de la maternité partenaire, précisément afin d’éviter de mettre en danger la pérennité de l’établissement.

Enfin, s’il y avait un doute dans les esprits, je tiens à le dissiper et à affirmer clairement que la proposition de loi n’a pas pour but de promouvoir un type particulier d’accouchements, au détriment de la prise en charge offerte dans les services d’obstétrique des établissements de santé. Elle vise simplement à offrir un choix, à répondre à une demande, et absolument pas à revenir sur les progrès de la médecine qui ont à la fois grandement contribué à réduire la mortalité en couches ainsi que la mortalité infantile et à limiter les douleurs de l’enfantement.

Loin de moi l’idée de remettre en question ces évolutions. Rien ne justifie cependant que, dans le cas de grossesses normales, le suivi des femmes, l’accouchement ou la prise en charge de la douleur se traduisent nécessairement par une surmédicalisation, comme c’est souvent le cas aujourd’hui. La France présente ainsi un taux de péridurale, d’épisiotomie, d’extraction instrumentale ou de césarienne plus élevé que les pays voisins, sans que le recours à ces techniques ne débouche sur des taux de morbidité inférieurs ou sur une satisfaction plus importante des femmes.

Cette surmédicalisation a aussi des effets pervers. D’une part, elle peut entraîner des risques iatrogènes ou se traduire par des dystocies, y compris dans le cas de grossesses considérées comme physiologiques. D’autre part, elle tend à placer la mère,a fortiori le couple parental, dans une posture passive vis-à-vis de la naissance en contribuant à traiter la grossesse et l’accouchement comme on traiterait une pathologie.

On comprend donc la demande exprimée par un certain nombre de femmes d’accoucher dans des conditions différentes et ailleurs qu’à l’hôpital, car beaucoup de maternités sont devenues des structures de très grande taille, où les mamans ne connaissent pas le personnel présent lors de l’accouchement et peuvent rarement compter sur sa disponibilité pendant toute la durée du travail.

On estime qu’environ 10 % des femmes enceintes pourraient être intéressées par un suivi et un accouchement en maison de naissance plutôt qu’à l’hôpital, notamment des multipares à la recherche d’une expérience différente pour leur deuxième ou troisième bébé.

À cet égard, je voudrais citer un des témoignages recueillis lors de la visite à la préfiguration de maison de naissance de la maternité des Bluets, le CALM, que nous avons eu la chance de découvrir, avec Mme Biémouret, jeudi dernier. Car, au-delà de tous les arguments et de toutes les statistiques que je pourrais vous présenter, il y a cette irréductible expérience humaine qui ne saurait mieux s’exprimer que par la bouche des parents. Ces parents, ce sont Audrey et Jérémie qui, pour la naissance de leur premier enfant, à l’hôpital, disent avoir eu le sentiment d’être complètement dépossédés de l’événement. « C’était à nous de nous adapter à une procédure médicale extrêmement rigide et chronométrée », disent-ils. À l’inverse, au CALM, pour leur deuxième bébé, ils estiment avoir trouvé « une structure chaleureuse et accueillante, dans un environnement sécurisé et adapté ». « Ce choix nous a permis d’éviter une médicalisation systématique grâce à un suivi individualisé, peu intrusif et respectueux du rythme de la mère et du bébé. Toutes les questions médicales ont été évoquées sans détours avec la sage-femme, et c’est dans un esprit de concertation permanente que le suivi s’est effectué », ajoutaient-ils. Et ils concluaient sur ces mots : « Notre enfant est né à son rythme, dans un accompagnement apaisant et sécurisant à la fois ».

Pour ma part, je conclurai mon propos comme je l’ai fait en commission en vous demandant, mes chers collègues, d’adopter ce texte afin de sortir les maisons de naissance du flou juridique dans lequel elles se trouvent aujourd’hui. Ce vote permettra aux expérimentations de démarrer dans les meilleurs délais et constituera un signal très positif pour les sages-femmes et les parents qui soutiennent actuellement des projets de maisons de naissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI, UMP, écologiste et RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Les sages-femmes sont en grève depuis le 16 octobre dernier. On en parle peu, moins que d’autres mouvements, et c’est bien dommage. Leur métier est vital et leurs revendications compréhensibles car elles manquent de reconnaissance. Les discussions avec le cabinet de la ministre de la santé, c’est bien ; les propositions concrètes, c’est mieux. Aussi, je soutiens fortement cette proposition de loi d’initiative sénatoriale qui va, je n’en doute pas, faire l’unanimité.

Il y a derrière ce texte un signal, que nous devons envoyer aux sages-femmes. L’expérimentation des maisons de naissance devrait satisfaire tout le monde car elles seront créées, comme le prévoit l’article 1er, à côté des maternités. Pour les parents, les maisons de naissance offriront une alternative ; pour les sages-femmes, il s’agit d’une reconnaissance de leur place en tant que professionnelles de santé. Comme certains d’entre vous je le suppose, j’en ai rencontré dans ma circonscription. Elles ont exprimé leur soutien à cette expérimentation. Celle-ci concernera bien sûr les grossesses à risque faible. La Cour des comptes l’avait préconisée, et même si ce n’est pas la raison principale, nul doute que cela va permettre de réaliser des économies – ce qui ne sera pas du luxe pour la Sécurité sociale.

L’expérimentation, mes chers collègues, est prévue pour cinq ans, mais je ne doute pas qu’elle donnera lieu à une pérennisation de ces structures.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Borloo. Madame la présidente, j’interviens pour faire part de la satisfaction que me procure ce texte et remercier et féliciter Muguette Dini qui, au Sénat, a repris un dispositif déjà voté en 2011. Il y a donc un vrai consensus républicain. Je remercie et je félicite également le rapporteur, Yannick Favennec, qui a pris son travail avec la distance nécessaire, cœur et compétence, et puis tous nos collègues qui soutiennent ce qui est à l’évidence un véritable progrès.

Puisque nous sommes dans un moment de convivialité républicaine et que l’on parle des femmes, je rappelle qu’une femme qui accouche en Afrique a cent fois plus de risque d’avoir un accident que chez nous. Il y a un grand programme, appelé Stand Up, mis en place par l’association Amref et destinée à former 15 000 sages-femmes. Je me permettrai de communiquer son numéro de compte.

Les deux dispositifs sont utiles et complémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Francis Vercamer. Très bien !

(L’article 1er est adopté.)

Articles 2 à 4

(Les articles 2, 3 et 4 sont successivement adoptés.)

Article 5

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 5.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Cet article renvoie à un décret les conditions de l’expérimentation. Je crois savoir que le choix des sites est déjà bien avancé, mais la liste des modalités à préciser est longue et il faudra, comme d’habitude, être particulièrement vigilant pour qu’elle soit fixée de manière pertinente. Il faudra que le décret d’application soit pris rapidement afin que les maisons de naissance dont on parle depuis si longtemps puissent enfin voir le jour.

Aussi, j’aimerais savoir, madame la ministre, si vous avez déjà travaillé sur le décret et si vous comptez associer les professionnels de santé à son élaboration.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Je voudrais seulement faire une petite explication sémantique sur les sages-femmes parce que j’ai entendu dire tout à l’heure que les hommes exerçant cette profession devraient s’appeler autrement : le mot « sage » fait référence au savoir, et « sage-femme » signifie donc quelqu’un qui connaît les femmes et qui peut ainsi gérer leur santé. Si j’ai pu l’apprendre à quelqu’un ce soir, j’en suis heureuse.

(L’article 5 est adopté.)

Mme la présidente. Il n’y a pas de demande d’explication de votes.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Yannick Favennec, rapporteur. Je remercie tout d’abord Mme la présidente de la commission des affaires sociales de m’avoir accueilli temporairement ; je vais maintenant regagner ma commission d’origine, celle du développement durable. Je remercie aussi Mme la ministre pour son écoute bienveillante, ainsi que mon président de groupe pour sa confiance, et chacune et chacun d’entre vous pour sa contribution à la qualité de ce débat. Je me réjouis moi aussi de ce moment de consensus, ce qui est suffisamment rare dans cet hémicycle pour être souligné, et du fait qu’au terme d’une journée réservée aux propositions de loi du groupe UDI, deux d’entre elles soient adoptées. Enfin, j’ai une pensée toute particulière pour les mamans, pour les parents, pour les sages-femmes, et puis évidemment pour les futurs bébés qui vont pouvoir bénéficier bientôt – si les textes réglementaires sortent rapidement, madame la ministre – de ces maisons de naissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, UDI et écologiste.)

M. Jean-Louis Borloo. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je me réjouis que cette proposition de loi soit adoptée de manière définitive puisque le vote sera conforme au texte transmis par le Sénat.

Monsieur Tardy, le processus de sélection des sites où se dérouleront les expérimentations n’a pas encore été conduit. La loi n’ayant pas encore été adoptée, nous ne pouvions pas engager les travaux d’application. Mais ceux-ci vont évidemment s’engager dès qu’elle sera votée. Toutes les concertations nécessaires seront menées afin de pouvoir identifier les situations géographiques et sociales qui, dans des environnements divers, seront les mieux à même de justifier l’implantation de maisons de naissance. Il faudra des équipes engagées, motivées, parce que si l’on veut le succès de ces expérimentations, il faut parvenir à ce qu’elles prennent racine. À mon tour, je me réjouis de cette avancée et je souhaite que, le plus rapidement possible, les femmes qui attendent de pouvoir accoucher dans de tels endroits aient l’occasion de le faire dès lors que ce sera leur choix.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Je remercie le rapporteur d’avoir, au cours de son intervention dans la discussion générale, mentionné la maternité des Bluets.